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dimanche 1 juillet 2012

Jordanie : un violeur ne sera pas poursuivi s'il se marie avec la victime !

Une info récente me fait penser que la culpabilité judéo-chrétienne n'est pas si mauvaise : elle autorise la réparation par une peine ou des actes. La responsabilité est individuelle. Ce concept pousse à assumer ce qu'on a fait au lieu de nier tout.

Ce n'est pas le cas du concept Honneur/Honte qui a cours dans le monde arabe. Rien ne peut effacer la honte d'où le déni systématique et recours au meurtre dit "d'honneur".
Le calvaire enduré par une jeune fille de 14 ans, enlevée puis violée trois jours de suite, a suscité la colère en Jordanie, tout particulièrement lorsque son violeur a décidé de l’épouser pour échapper à la prison comme la loi le permet.

Dans ce royaume conservateur, déjà connu pour ses crimes dits « d’honneur », les violeurs peuvent éviter d’aller en prison s’ils acceptent d’épouser leur victime, en vertu de l’article 308 du code pénal.

En avril, une fille dont l’identité n’a pas été révélée faisait des courses à Zarqa, dans le nord du pays, lorsqu’un homme de 19 ans l’a kidnappée, conduite dans le désert, puis l’a violée pendant trois jours de suite, selon des sources judiciaires. La police a découvert l’adolescente lors d’une patrouille, l’a ramenée chez elle et a arrêté l’homme.

Quelques jours plus tard, le violeur a décidé de se marier avec elle, mettant ainsi fin aux poursuites.
En juin, un autre homme est parvenu à attirer une adolescente de 15 ans dans un appartement d’Amman où il l’a violée. Selon des sources judiciaires, il tente aujourd’hui d’arracher à sa famille un mariage, là encore pour éviter la prison.

« Cet article  permet non seulement aux assaillants de repartir libres, mais il les récompense en leur permettant d’épouser leur victime qui, elle, est punie », dénonce Nadia Shamrukh, qui dirige l’Union des femmes jordaniennes.

"Régulation juridique et sociale de la criminalité liée à « l’honneur » en Jordanie et dans les territoires palestiniens occupés", par Nisrin Abu Amara publiée dans la revue Droit et Cultures.

Extrait :

En Jordanie, comme dans les territoires palestiniens, le viol est souvent considéré comme un « déshonneur » pour la famille. Les jeunes femmes qui ont été violées sont souvent menacées et dans certaines circonstances, elles peuvent être tuées par leurs proches, sous prétexte de rétablir leur « honneur ». C’est le cas d’une jeune fille jordanienne de 16 ans qui a été violée en 1998 par son beau-frère lors de sa visite chez sa sœur. C’est le propre frère de cette jeune fille qui s’est ensuite chargé de l’assassinat de sa sœur avec une arme à feu. Il n’a été condamné qu’à six mois de prison pour ce crime, pour lequel il n’a exprimé aucun regret. Comme l’explique Catherine Warrick, les lois mises en place pour réguler ces questions morales et politiques mènent à la disparition des droits des femmes, considérées comme complices du crime dont elles sont victimes.

L’existence de lois sévères punissant le viol et l’inceste par une peine de trois ans jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité, voire la peine de mort, n’empêche pas l’existence de pratiques traditionnelles de médiation. De telles pratiques tentent de rechercher des solutions afin de ménager les enjeux familiaux, plutôt que de considérer les droits des victimes ; selon cette vision, le viol est perçu comme une atteinte à la réputation de la famille plutôt que comme un crime entraînant de graves dommages physiques et psychologiques chez les victimes. Ainsi, les articles 285 et 286 du Code jordanien, appliqués notamment en Cisjordanie, condamnent l’auteur d’un inceste à cinq ans de prison, mais la plainte doit être déposée par un proche et non par la victime. Cela rend l’application de cette peine peu réalisable du fait des enjeux familiaux en cause qui peuvent mener à une aggravation des violences subies par la victime


Parfois, le droit pénal ainsi que le droit coutumier considèrent le viol comme un enjeu familial, la loi prenant en compte l’argument de « l’honneur de la famille ». Dans ces mécanismes juridiques et sociaux, les droits des victimes disparaissent au profit d’une exigence familiale visant à « sauver la face ». Les besoins des victimes sont alors totalement ignorés, celles-ci étant même souvent contraintes à vivre avec l’agresseur. Le droit coutumier (‘urfi), comme Nadera Shalhoub-Kevorkian l’a démontré concernant les territoires palestiniens, encourage la « médiation ». Dans ces circonstances, la police, en coopération avec les chefs tribaux, considère le mariage avec le violeur comme une solution destinée à rétablir « l’honneur de la famille ». La loi conforte ces pratiques coutumières : ainsi, l’Égypte jusqu’en 1999 (article 291 du Code pénal de 1937), la Jordanie encore aujourd’hui (article 308 de l’année 1961) et les territoires palestiniens jusqu’en 2005, ont des dispositifs juridiques permettant au criminel d’échapper à la peine dans le cas où il se marie avec sa victime.


L’indulgence des tribunaux vis-à-vis de ces crimes peut aussi être attribuée aux juges qui, souvent, ne mettent pas en question les valeurs sociales patriarcales et subissent des pressions sociales venant de la communauté. L’adhésion de certains juges à ces valeurs patriarcales est expliquée par un magistrat jordanien de la Haute cour criminelle, Muhammad ‘Ajarma, par rapport à une logique de renversement des rôles entre les victimes et les coupables. Ainsi, la femme est rendue « coupable » et « complice » de ce crime alors que l’auteur du crime est considéré comme étant « victime » de pressions sociales : « Personne ne veut vraiment tuer son épouse, sa fille ou sa sœur. Mais, parfois, c’est la société qui le force à le faire, parce que les gens n’oublieront pas. Parfois, il y a deux victimes : la victime assassinée et l’assassin »

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