Rechercher dans ce blog

mercredi 13 janvier 2016


Attentats de Paris :pas du nihilisme, 
mais l'application d'une Stratégie Réligieuse


par Mark Durie Lapido médias 16 Novembre 2015
adapté par l'Observatoire du Moyen Orient le 13/1/2016
Des filles allument des bougies le dimanche suivant l'attentat à l'extérieur du restaurant 
parisien La Belle Equipe où 19 personnes ont été tuées. Photo: Reuters 
L'article de Janet Daley, influente journaliste du Telegraph ," L'Occident est en guerre contre une folie meurtrière" correspond à l'ineptie des élites européennes face au jihad islamique. C'est le triomphe de l'analphabétisme religieux.

Elle déclare l'ennemi djihadiste totalement incompréhensible, donc inclassable par un "système cohérent et systématique »qu'aucun vocabulaire ne saurait décrire:« C'est juste une folie », écrit-elle.

Parce que l'ennemi est «hystérique», qui ne formule aucun « objectif raisonnable», ni des «exigences négociables», il est inutile de soumettre ses actions à toute forme d'analyse historique, sociale ou théologique, car personne ne devrait tenter «imposer une logique sur un comportement pathologique». Malgré cela, Mme Daley analyse et explique les actions de Daesh , mais ce faisant, elle se fonde sur ses propres catégories conceptuelles, et non par celles de Daesh. Elle passe complètement à côté de la réalité.


La notion de Civils n'existe pas chez les djihadistes
Daley écrit: «Nous sommes confrontés à une folie violente et très contagieuse qui croit que le meurtre de civils est un acte moral.» Dans cette phrase, elle fait appel aux concepts occidentaux de la guerre, inscrits, entre autres, dans la Convention de Genève, qui détaille des principes précis pour la «protection des civils». Pourtant, la première étape dans la compréhension d'un système étranger à sa propre culture, est de le décrire dans les termes qui lui sont propres.

Daesh ne souscrit pas à la Convention de Genève. Ses actions et stratégies sont fondées sur les lois islamiques médiévales du djihad, qui n'utilisent absolument pas le concept occidental moderne de «civil». Ces lois du Jihad se réfèrent à la catégorie des mécréants (polythéiste ou kafir).

Daesh croit que tuer les mécréants est un acte moral, conformément, par exemple, avec la sourate 9, verset 5 du Coran, qui stipule: « Après que les mois sacrés expirent, tuez les associateurs où que vous les trouviez" .


Ce n'est pas du Nihilisme
Mme Daley poursuit : "L'ennemi a déclaré explicitement qu'il ne vénère pas du tout la vie" et "Les civils ne sont pas des dommages collatéraux de cette campagne : c'est son unique objectif." Elle continue à déplorer que les dernières attaques françaises soient dénouées de de tout objectif et qu'elles sont "réalisées purement pour le frisson nihiliste ".

L'affirmation selon laquelle Daesh ne «vénère pas la vie» semble se référer à un certain nombre de déclarations faites par des islamistes radicaux, dont un militant de Daesh qui a juré de «remplir les rues de Paris avec des cadavres», et se vantait que Daesh "aime la mort comme vous aimez la vie" (voir ici). C'est une référence théologique à une série de versets du Coran dans lesquels les Juifs sont critiqués pour leur attachement à la vie (Sourates 2: 94-96 , 62: 6-8).

Selon le Coran, aimer la vie est caractéristique des infidèles (Sourate 3:14 ; 14: 3 "Ceux qui préfèrent la vie d'ici bas à l'au-delà, obstruent [aux gens], le chemin d'Allah et cherchent à le rendre tortueux, ceux-là sont loin dans l'égarement. " et 75:20; 76:27) , parce que cela les amène à ne pas tenir compte de l'importance de la vie dans l'au delà. La raillerie qui est si souvent utilisée par les djihadistes : «Nous aimons la mort autant que vous aimez la vie», implique que les djihadistes se destinent au paradis tandis que leurs ennemis iront en enfer.

Le point de ces déclarations est que les musulmans sont prêts à se battre jusqu'à la mort, tandis que leurs ennemis infidèles abandonneront le combat. On ne parle pas de respect pour la vie, mais d'un désir supérieur de la victoire.
Cela n'a rien à voir avec le nihilisme, qui est une croyance qu'il n'y a pas de valeurs, aucune fidélité à avoir ni aucun but dans la vie. En fait les combattants de Daesh ont des loyautés et des valeurs fortes et claires, bien qu'étrangères autant que possible à celles de l'Europe.

Nihilisme
La revendication de Mme Daley que la mort est «l'unique objectif» est également erronée. Bien qu'il soit vrai que les djihadistes considèrent que tuer les infidèles est un acte méritoire, qui permet potentiellement de faire gagner au tueur une place au paradis (voir ici), et qu'ils considèrent que avoir été tué au combat contre des infidèles vaut un billet pour le paradis, en fait, les meurtres servent un objectif stratégique . C'est celui de faire peur aux infidèles, et affaiblir ainsi leur volonté de résister à la domination islamique.
Cette stratégie est explicitée dans le Coran, par exemple dans la sourate 08:12, "Je vais jeter l'effroi dans les coeurs des mécréants. Frappez donc au-dessus des cous et frappez-les sur tous les bouts des doigts" et par l'exemple réussi de Muhammad dans la lutte contre les Juifs de Médine, félicité dans la sourate 33: 26-27 : "Et Il a fait descendre de leurs forteresses ceux des gens du Livre qui les avaient soutenus [les coalisés], et Il a jeté l'effroi dans leurs coeurs; un groupe d'entre eux vous tuiez, et un groupe vous faisiez prisonniers. Et Il vous a fait hériter leur terre, leurs demeures, leurs biens, et aussi une terre que vous n'aviez point foulée". Un passage similaire est la Sourate 59: 2, citée par Daesh dans sa revendication du carnage de Paris.

Il peut sembler à Mme Daley que l'intention déclarée de Daesh qui est de soumettre l'Occident est fantaisiste, mais il est essentiel de comprendre Daesh, et en ce qui les concerne, ces attaques meurtrières vont contribuer à affaiblir la volonté des infidèles et à hâter la victoire finale .


Il y a bien un objectif
Janet Daley: une réponse incohérente.
Photo: Telegraph
Mme Daley se pose la question des objectifs possibles de ces attaques. Elle spécule: «... quelle est le but recherché? La Charia? La sujétion des femmes? La fin de la démocratie libérale? Est ce que même une partie de ces objectifs est négociable ? Quel compromis pourrait être proposé suite à un auto-examen critique de notre civilisation , quand il n'y a même pas une base raisonnable de discussion avec l'ennemi? 

C'est un secret de polichinelle que le but ultime de Daesh est d'amener les non-musulmans du monde entier à se convertir à l'islam ou de vivre sous un califat islamique comme dhimmis. La Charia et l'assujettissement des femmes font partie intégrale de cet objectif.    C'est étrange que Mme Daley déplore l'absence d'une base raisonnable de négociation avec l'ennemi. Daesh ne joue pas selon des règles de négociation de style occidental. Il suit les instructions données par Mahomet à ses disciples qui est d'offrir trois choix aux infidèles: la conversion, la soumission, ou l'épée - la mort.

Ben Laden a expliqué que le rejet par l'Occident de ce cadre de l'Islam est toute la raison de son conflit avec ce qu'il appelle "l'autorité de l'islam" : "En fin de compte, notre différend et conflit avec l'Occident infidèle tournent autour d'une seule question qui exige notre soutien total et déterminé, que nous posons de toutes nos forces et d'une seule voix, et c'est celle-ci ":
"-Est-ce que oui ou non, l'islam, force les gens à se soumettre à son autorité, corporellement sinon spirituellement par la puissance de l'épée ?


-La réponse est Oui.

- L'Islam n'offre que trois choix : 
[1] la soumission volontaire [la conversion]; ou

[2] la soumission, non spirituelle mais physique, à l'autorité de l'islam, concrétisée par le paiement de la jizya; ou

[3] "l'épée" - la mort , car il n'est pas permis de laisser vivre un infidèle insoumis.

Le choix se résume ainsi pour toute personne vivante: Se convertir, vivre sous la suzeraineté de l'Islam, ou mourir "
(The Al Qaeda Reader)


Une carte qui révèle les plans effarants de Daesh pour la domination du monde.
Photo: Daily Mail 



















Pour les élites européennes il peut sembler inimaginable que Daesh se bat avec comme objectif la soumission ou la conversion de l'Europe, mais la perspective de Daesh se situe dans le très long terme - jusqu’à des siècles. C'est en utilisant de telles tactiques que leurs ancêtres avaient conquis de vastes territoires . L'acte final d'une conquête peut être précédé par des décennies, voire des siècles des raids militaires. 

Si les attentats sont actuellement le principal mode d'attaques contre l'Occident par Daesh , il est possible qu'ils utiliseront aussi d'autres tactiques, comme la prise de butin et d'esclaves ou la destruction des infrastructures, comme ils l'ont fait en Syrie et en Irak.


Absence de Griefs
Mme Daley affirme qu'il est inutile de discuter avec les gens qui n'ont pas de griefs raisonnables, car : "le peuple français ne mérite pas cela, tout comme les Américains n'avaient pas mérité les attentats du onze septembre 2001". Toutefois, la question importante est de savoir comment Daesh voit ses propres motivations. Leur idéologie leur enseigne que les infidèles méritent la mort, simplement en raison de leur mécréance. Cela n'a rien à voir avec l'histoire colonialiste de France, du colonialisme, ni de son traitement des minorités musulmanes. Daesh n'a pas eu besoin d'invoquer des griefs pour justifier le massacre et l'asservissement des Yézidis en Irak et en Syrie, alors pourquoi devraient-ils voir différemment le peuple de France? Ils s'opposent aux Européens parce qu'ils ne sont pas musulmans, et aux Etats européens parce qu'ils ne mettent pas en œuvre la charia.


Attitude Irresponsable
Il est irresponsable et dangereux de prétendre qu'un ennemi tenace est fou et incompréhensible. Refuser de reconnaître l'existence et le détail de l'idéologie de Daesh et de nier son importance équivaut à un désir de mort.

Comme tant d'autres groupes islamiques axés sur le retour aux sources, Daesh estime que s'il reste fidèle à des objectifs et tactiques ordonnées par Dieu, il sera couronnée de succès . Il croit que les nations Européennes sont moralement corrompues, que ce sont des infidèles faibles qui aiment trop la vie pour entreprendre un combat à mort contre des soldats musulmans déterminés qui visent le paradis. Il estime que l'Europe est du mauvais côté de l'histoire.

Pour lutter contre cette idéologie, il est nécessaire que l'Europe prouve que Daesh a tort sur tous les points. L'Europe doit montrer la force, pas la faiblesse. Elle doit avoir confiance dans son identité culturelle et spirituelle. Elle doit être prête à se battre pour sa survie. Elle doit démontrer qu'elle croit suffisamment en elle-même pour se battre pour son avenir. Elle doit défendre ses frontières. Elle doit agir comme quelqu'un qui a l'intention de gagner une interminable guerre contre un ennemi implacable.

Il y a beaucoup de choses que l'Europe aurait pu faire pour éviter cette catastrophe. Elle pouvait, il y a longtemps, contester le point de vue islamique de l'histoire qui idolâtrait le djihad et son résultat escompté, la dhimma : la soumission des infidèles. Elle aurait pu exiger que l'islam renonce à son rêve et fascination de conquête et de domination. Il aurait encouragé les musulmans à suivre la voie de l'auto-critique conduisant à la paix. Cette occasion manquée est ce que Bat Ye'or avait appelé dans une interview prémonitoire -en1993- «la relativisation de la religion, une analyse auto-critique de l'histoire de l'impérialisme islamique».Au lieu de cela les élites de l'Europe se sont lancés pendant des décennies dans l'apaisement, l’analphabétisme religieux et la déni du problème.

Il y a encore beaucoup que les Etats européens pourraient faire pour vaincre Daesh. Ils pourraient, par exemple, lui infliger un échec militaire catastrophique comme contre-argument puissant pour sa théologie du succès. Ce ne sera pas la victoire finale et décisive contre le djihadisme, mais rendra les revendications suprématistes de Daesh moins crédibles et limitera son recrutement. Les lois de la guerre selon l'islam permettent aux musulmans de suspendre temporairement leur bataille avec les infidèles en l'absence de perspective immédiate de la victoire et si les risques pour leur cause sont trop importants.

L'Europe doit également faire pression sur les Etats qui en sont dépendants, afin qu'ils cessent la propagation de l'idéologie djihadiste. Cela concerne aussi le djihadisme anti-israélien de l'Autorité palestinienne. Il faut mettre plus de pression sur les Etats du Golfe, militairement vulnérables, pour qu'ils cessent de financer le radicalisme islamique dans tout le Moyen-Orient ainsi que l'exportation, dans le monde entier, des versions de théologie islamique qui glorifient le jihad.

Un espoir pour l'Europe est que les populations islamiques se lasseront de la doctrine du djihad et de tous ses fruits amers. Il y a des signes que c'est en cours, et que beaucoup de musulmans, maintenant en quête d'asile par centaines de milliers en sont venus à cette conclusion. Cependant, il semble probable que les communautés musulmanes désormais établies en Europe seront les dernières à reconsidérer leurs dogmes et leur point de vue sur l'histoire, parce qu'ils n'ont pas eu à souffrir de première main les dures réalités de la vie dans une utopie islamique comme le Caliphat de Daesh ou la Révolution islamique d'Iran. En 2014 un sondage d'opinion a révélé que parmi la population française des 18-24 ans, l'État islamique avait un taux d'approbation de 27%, ce qui doit inclure l'écrasante majorité des jeunes hommes musulmans français. Pour l'Europe, le défi intérieur sera plus durable et intraitable que le défi extérieur.

Néanmoins, les Etats européens pourraient encore faire beaucoup sur leur propre terrain. Ils pourraient interdire à l'Arabie saoudite et d'autres pays du Moyen-Orient de financer des organisations islamiques, y compris des mosquées. Ils pourraient cesser d'apaiser les islamistes européens. Ils pourraient, même à cette heure tardive, demander que les grandes et toujours grandissantes communautés musulmanes, maintenant bien établies à travers l'Europe, se livrent à l'autocritique constructive de leur religion, pour l'amour de la paix.

Mark Durie est le pasteur d'une église anglicane, membre Shillman-Ginsburg au Middle East Forum et fondateur de l'Institut de la conscience spirituelle.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire